4 mécanismes expliquent les liens entre écrans et surpoids/obésité !

 

Les travaux de deux chercheurs en science de l’information et de la communication, Didier COURBET et Marie-Pierre FOURQUET-COURBET, nous permettent de comprendre les 4 mécanismes clés qui relient l’utilisation des écrans et le risque d’obésité.

 

Dans nos sociétés industrialisées, le temps passé devant les écrans n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières années. En 2018, des évaluations indiquaient que les adultes Français passaient en moyenne 5h10 chaque jour devant leurs écrans… et ce, en dehors de leur activité professionnelle !

Parallèlement, les 15-24 ans passaient 3h04 quotidiennement devant des écrans (1h26 pour la TV et 1h38 pour Internet). Ce temps d’écran serait encore plus important chez les enfants et adolescents issus de milieux défavorisés (2h45 supplémentaires en moyenne pour les 8-12 ans et 2h30 supplémentaires pour les 13-18 ans).

 

Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’un lien de causalité entre le temps d’écrans (TV, smartphone, tablette, console de jeux vidéo, ordinateur personnel) et l’augmentation du poids a été mis en évidence.

 

Comment l’expliquer ?

 

Les causes sont multiples. Quatre mécanismes expliquant le lien entre temps d’écran et gain de poids ont été mis en évidence :

  1. L’utilisation des écrans incite au grignotage,
  2. L’exposition aux publicités pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle via les écrans, augmente la consommation des produits présentés par ces publicités,
  3. L’usage de l’écran est une pratique le plus souvent sédentaire,
  4. L’usage des écrans le soir est associée à une durée de sommeil insuffisante.

 

PS : En 2018, les études pour les nouveaux médias (Internet, smartphone) étaient encore peu nombreuses, d’où le focus sur la TV.

 

Approfondissons chacun des 4 points évoqués.

 

Temps d’écrans et incitations au grignotage

 

Des études ont prouvé que l’utilisation d’écrans favorisait le grignotage immédiat aux produits promus ou au grignotage de tout produit à disposition. Or, cette pratique concerne tout de même 20% des personnes qui regardent la TV…

L’explication est simple, l’individu captivé par la TV est moins à l’écoute de ses sensations de satiété lorsqu’elles surviennent, ce qui le conduit à dépasser de 25% en moyenne le volume d’aliments ingurgités. Ce phénomène a également été retrouvé chez ceux qui mangent en tête à tête avec leur smartphone. Chez des adolescents de 9-16 ans, des études ont montré que plus leur temps d’écrans était important, plus ils consommaient des produits de mauvaise qualité nutritionnelle et cela, sans avoir faim pour autant.

 

L’impact de la publicité alimentaire

 

Le marketing alimentaire pour les produits de malbouffe est d’une efficacité redoutable ! L’exposition à des publicités alimentaires favorise la consommation des aliments ou des catégories d’aliments promus, c’est largement démontré. Et à vrai dire, les industriels auraient arrêté depuis longtemps si ce n’était pas le cas.

Or, plus de 50% des publicités auxquelles les enfants et adolescents sont exposés notamment aux heures de grande écoute, entre 19h00 et 22h00, où ils sont les plus nombreux à être devant la TV, sont des publicités pour des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle (score D ou E au Nutri-Score).

Les publicitaires surfent sur plusieurs registres, en particulier le subliminal et l’émotionnel. Par exemple il a été montré qu’un pop-up vantant les mérites d’une marque, à peine entrevu sur Internet et qui pourrait sembler aussitôt oublié, reste en fait au moins 3 mois dans une mémoire « implicite » ou non consciente. L’inclusion de mascotte à l’effigie d’une marque ou des placements de produits sont des techniques dont l’individu aura plus ou moins conscience mais qui fonctionnent toujours très bien pour les industriels.

Par ailleurs, les produits alimentaires répondent à des besoins biologiques qu’il est facile d’associer à des émotions positives via l’imaginaire en véhiculant des symboles de force, de liberté, de réussite, etc.

Malheureusement, des études ont montré que même l’éducation des enfants aux médias ne parvient pas à diminuer leurs désirs d’obtenir ces produits alors qu’ils ont bien conscience d’être « manipulés ». De plus, l’offre technologique et numérique évolue très rapidement, et les communicants en profitent pour surfer sur la frontière qui existe entre publicité clairement identifiée et placement de produits. Et, il faut bien l’avouer, lorsque des messages sanitaires sont associés, ceux-ci n’ont que peu d’impact face à l’attrait des enfants et adolescents pour ces jeux ou outils numériques.

 

Utilisation des écrans, activité physique, sédentarité

 

L’utilisation des jeux vidéo passifs a été associée à une moindre pratique de l’activité physique et à une augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC). En revanche, il est vrai que certains jeux vidéo actifs permettraient de faire une activité physique légère et seraient associés à une baisse de l’IMC chez les enfants en surpoids ou obèses.

On peut s’interroger « Est-ce que pour autant, un enfant qui consacre plus de temps aux jeux vidéo est forcément un enfant qui fait moins d’activité physique ? » Difficile de le prouver encore aujourd’hui par manque d’études. Quelques données sur le sujet indiquent que lorsque l’on restreint la TV aux enfants, beaucoup remplaceraient cette activité par une autre tout aussi sédentaire.

 

Écrans du soir = sommeil au désespoir !

 

Que ce soit chez les adolescents ou les adultes, les écrans sont devenus dans notre société la principale cause de diminution du temps de sommeil.

Savez-vous combien de français utilisent Internet ou vont sur les réseaux sociaux numériques une fois au lit ? Cette pratique concernerait 44% des adultes et 80% des jeunes de 15-25 ans…

Les données de la littérature indiquent que les deux tiers des enfants de 3 à 6 ans et autant d’adolescents de 15-19 ans ont un déficit de sommeil. Cette dette pourrait aller jusqu’à une à deux heures de sommeil perdus par nuit pour certains. La qualité même du sommeil serait altérée. Deux facteurs y contribueraient :

  • la lumière bleue émise par les diodes électrolumineuses (LED) des écrans, qui diminue la sécrétion de l’hormone du sommeil, la mélatonine.
  • les émotions engendrées par les vidéos, les messages des réseaux sociaux.

 

L’impact délétère d’une trop faible durée de sommeil sur les risques d’obésité est maintenant bien démontré. Ce risque est plus important chez les enfants, les jeunes adultes que chez les adultes plus âgés. Ainsi, pour les enfants, chaque heure de sommeil perdue augmenterait le risque d’obésité de 9%. Il sera aisé d’estimer à quel point la présence d’une TV dans la chambre est néfaste.

Les hormones sont au cœur du processus. Un sommeil de courte durée stimule la sécrétion de ghréline qui favorise l’appétit, diminue la dépense énergétique du corps et augmente le stockage des graisses. En parallèle, la sécrétion de leptine (hormone antagoniste de la ghréline) est diminuée. Ces modifications conduisent à une augmentation du grignotage d’aliments à forte densité énergétique, en particulier le soir devant les écrans. Or, les calories consommées après 20h00 prédisent l’IMC. Une courte durée de sommeil augmente également le taux de cortisol qui favorise l’appétit, l’obésité, l’insulino-résistance et le risque d’état inflammatoire chronique.

 

Chez les enfants, le niveau de preuve de l’association entre la durée d’utilisation des écrans et le risque de surpoids ou d’obésité est aujourd’hui jugé « convaincant », et correspond au même niveau de preuve que celui admis entre la consommation de boissons sucrées et le risque d’obésité pour ce public.

Chez les adultes, le niveau de preuve de l’association entre la durée d’utilisation des écrans et le risque de surpoids ou d’obésité est jugé « probable », donc équivalent à celui qui concerne l’impact des fast-food sur le risque de surpoids ou d’obésité pour les adultes.

La compréhension de ces mécanismes est essentielle pour inciter chacun à réfléchir à un usage raisonné des nouvelles technologies et pour bâtir des recommandations utiles pour l’ensemble de la population.

 

 

Référence

Courbet D, Fourquet-Courbet M-P. Usages des écrans, surpoids et obésité. Obésité (2019) 14:131-138. DOI 10.3166/obe-2019-0074.

 

 

Pour aller plus loin avec Didier Courbet : https://www.nutrinmed.fr/ecrans-smartphones-reseaux-sociaux-publicites-quels-impacts-sur-nos-choix-alimentaires/

 

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