NUTRINMED - Sécurité Alimentaire

Inégalités sociales en matière d’alimentation: créons un nouveau modèle, durable et respectueux de la dignité humaine!

 

En France, le traitement de l’insécurité alimentaire est l’objet des politiques dites « de lutte contre la précarité alimentaire ».  En 2010, la distribution d’une aide alimentaire sous forme de denrées a été inscrite pour la première fois dans la loi de modernisation agricole. Puis, la loi EGAlim a obligé les opérateurs de la grande et moyenne distribution alimentaire, la restauration collective, les industries agroalimentaires et les opérateurs de commerce de gros à donner leurs surplus et invendus alimentaires aux associations habilitées à la distribution.

 

Et pourtant…

 

Dans un récent rapport sur les « Revenus et patrimoine des ménages », l’INSEE estimait qu’en 2018, environ 10 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire en France métropolitaine, auxquels il faut ajouter près d’1 million supplémentaire dans les DOM1. 2018… c’était avant que la pandémie de Covid-19 ne vienne aggraver la situation des plus précaires, y compris en France. Les premières données disponibles indiquent que le nombre d’allocataires du Revenu de Solidarité Active (RSA) a constamment augmenté depuis le début de la crise sanitaire pour atteindre 165.000 utilisateurs supplémentaires en septembre 2020, correspondant à une hausse de +8,7 % par rapport à septembre 2019. La crise sanitaire a creusé les inégalités sociales de manière globale et de fait les inégalités sociales de santé, aggravant l’insécurité alimentaire2 en France et mettant en exergue les limites de la réponse institutionnelle.

 

Un changement de paradigme est nécessaire

 

En France, l’aide alimentaire est avant tout organisée autour de quatre acteurs clés que sont la Fédération Française des Banques Alimentaires créée en 1984 sur le modèle des Food Banks américaine, les Restos du Cœur initiés en 1985 par Coluche, le Secours Populaire et la Croix Rouge. D’autres dispositifs se sont développés depuis et viennent consolider la filière de l’aide alimentaire (épiceries sociales, associations, …). L’aide alimentaire est un réseau organisé autour d’acteurs publics, d’acteurs privés et d’une multitude d’associations de tailles et missions variables. Un rapport de la Cour des Comptes en 2008estimait le nombre de bénévoles à 120.000.

Le système actuel d’aide alimentaire présente de nombreuses limites dont certaines découlent de choix faits en termes de politiques publiques. Ce système ne s’attache pas aux causes profondes de l’insécurité alimentaire. Selon un rapport du Sénat4, en 2018, l’aide alimentaire était financée à hauteur d’1,5 milliards d’euros.

Or, ce secteur est fragile. Fortement dépendant du bénévolat, il souffre d’une grande complexité organisationnelle et administrative pour ne pas dire bureaucratique. Les financements privés seraient surestimés et les dépenses publiques sous-estimées, … Le principe même du don de denrées en nature devant suivre un circuit complexe (du producteur ou distributeur vers les associations puis vers les bénéficiaires finaux) conduit à privilégier des produits à longue durée de vie au détriment de produits frais dont la gestion logistique est trop complexe, ce qui contribue au déséquilibre nutritionnel de l’offre.

Et pourtant, le Code de l’action sociale et des familles énonce à travers l’Article 266 – 1, que : « La lutte contre la précarité alimentaire vise à favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle s’inscrit dans le respect du principe de dignité des personnes. Elle participe à la reconnaissance et au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement. L’aide alimentaire contribue à la lutte contre la précarité alimentaire ». Et l’article 266-2 qui stipule que « L’aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d’un accompagnement.»

Les inégalités en matière d’alimentation contribuent aux inégalités sociales de santé. Peut-on proposer aujourd’hui un autre modèle plus en adéquation avec l’époque, plus efficient, plus respectueux des apports nutritionnels et plus digne pour les personnes qui en bénéficient ?

 

Vers un modèle capable de promouvoir une sécurité alimentaire durable

 

Les chercheurs impliqués dans l’étude SECALIM, portée par NUTR’ IN MED, qui vise à imaginer un nouveau dispositif de réponse à l’insécurité alimentaire, viennent de publier un rapport sur le sujet sur le site de Terra Nova, un Think Tank « Vers une sécurité alimentaire durable : enjeux, initiatives et principes directeurs ».

Pour Nicole DARMON, Directrice de Recherche en économie, INRAE, « l’objectif de ce rapport est de clarifier les enjeux liés à l’insécurité alimentaire en France et d’élaborer des principes directeurs pour promouvoir des dispositifs et un contexte politique favorables à une sécurité alimentaire durable. »

Selon Christophe DUBOIS, Docteur Es-sciences en nutrition, spécialisé en recherche translationnelle, la sécurité alimentaire durable désigne « une situation où tous les individus ont un accès (économique, physique et social) égalitaire à une alimentation durable5, de manière coordonnée et pérenne. Pour cela, d’une part nous allons plus loin que le simple constat des limites de l’aide alimentaire en analysant leurs causes et, d’autre part, nous explorons les potentiels de différents dispositifs au regard de leur capacité à promouvoir une sécurité alimentaire durable. »

 

Ce rapport se situe à la croisée de plusieurs disciplines : nutrition et santé publique, environnement et sciences économiques et de gestion. Il est organisé en 4 chapitres permettant de poser les éléments de contexte, les limites structurelles du système actuel et présente ensuite l’analyse des chercheurs sur le potentiel des dispositifs existants à promouvoir une sécurité alimentaire et enfin soulignent les principes directeurs pour des dispositifs et un contexte favorable à une sécurité alimentaire durable.

 

Principes directeurs pour un dispositif et un contexte politique favorables à une sécurité alimentaire durable (et définitions)

 

NUTRINMED - Principes directeurs sécurité alimentaire durable

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Proposition de critères qu’un dispositif favorable  à une sécurité alimentaire durable devrait remplir

 

Un dispositif favorable à une sécurité alimentaire durable (rapport Terra Nova du 11/11/2021) :

  • garantit l’accès (économique, physique, social)
  • égalitaire
  • à une alimentation durable,
  • l’empowerment (individuel, collectif, politique)
  • et l’inclusion sociale (lien social, aller-vers, respect de la dignité)
  • de façon coordonnée
  • et pérenne (pérennité de l’impact, et du dispositif)

 

Rapport complet disponible ici

Synthèse du rapport disponible ici

 

 

Notes et références :

  1. Le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian, est égal à un revenu disponible de 1 063 euros par mois pour une personne seule, 1 594 euros pour un couple sans enfant et 2 231 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Voir Revenus et patrimoine des ménages, Insee Références, Edition 2021. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371304
  2. En France, le secteur associatif et les textes de loi font référence à la notion de précarité alimentaire. Dans ce texte nous utilisons aussi les termes de sécurité et insécurité alimentaires, issus du domaine de la nutrition et de la santé publique, car ils ont une existence officielle à l’échelon international, et que des méthodes de mesure validées ont été développées pour en évaluer la prévalence. Il y a insécurité alimentaire« lorsque la disponibilité d’aliments sûrs et adéquats sur le plan nutritionnel ou la possibilité d’acquérir des aliments appropriés par des moyens socialement acceptables est limitée ou incertaine » (Core indicators of nutritional state for difficult-to-sample populations. J Nutr 1990, 120 (suppl 11): 1559–1600).
  3. https://www.assemblee-nationale.fr/commissions/cfin-enquete-CC-aide-alimentaire.pdf
  4. A. Bazin et E. Bocquet (2018) , « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur le financement de l’aide alimentaire » ; https://www.senat.fr/rap/r18-034/r18-0341.pdf
  5. Suivant les définitions de la FA0 en 2010 (http://www.fao.org/ag/humannutrition/25916-0f23e974a12924600117086270a751f60.pdf) et de la FAO/OMS en 2019 (http://www.fao.org/3/ca6640en/ca6640en.pdf), nous définissons l’alimentation durable comme une alimentation choisie et désirable, culturellement acceptable, en accord avec les valeurs, les préférences et les pratiques alimentaires, de bonne qualité sanitaire, nutritionnellement adéquate, respectueuse de l’environnement, économiquement viable et équitable.
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