Alimentation végane chez l'enfant et l'adolescent

Une alimentation végétalienne chez l’enfant et l’adolescent : est-ce une bonne idée ?

Cet article a été écrit par Audrey LORCET diététicienne référente de l’Unité Diététique des Hôpitaux Sud et Timone enfants.

 

Depuis plusieurs années nous assistons à une évolution des habitudes alimentaires avec une émergence de régimes plus ou moins restrictifs limitant ou excluant toute chair animale ou produit issu de cette dernière.

Alimentation végétalienne et apports nutritionnels chez l’enfant et l’adolescent  :

L’alimentation végétalienne ou végane qui exclue tous les produits carnés et de la mer, les produits laitiers, les œufs ainsi que le miel couvre-t-elle les besoins pour la croissance et le développement psychomoteur et immunitaire de l’enfant et de l’adolescent ?

Faisons le point sur les besoins en nutriments et micro nutriments chez l’enfant et l’adolescent et le parallèle avec les apports nutritionnels fournis par une alimentation végétalienne afin d’identifier les éventuelles supplémentations qui devront être réalisées (tableau 1). Pour cela nous nous baserons notamment sur les nouvelles recommandations nutritionnelles en vitamines et minéraux réactualisées par l’Anses d’avril 2021.1,2

 

Protéines :

Le régime végétalien répond aux références nutritionnelles pour la population (RNP) de l’enfant et de l’adolescent dans leur limite basse. Cependant, la qualité nutritionnelle en protéines des végétaux est inférieure à celle des produits d’origine animale.

De quoi dépend la qualité en protéine d’un aliment ?

Elle dépend de la quantité de protéines apportée, de l’équilibre des acides aminés constituant ces protéines, et de la biodisponibilité de ces acides aminés qui dépend de la digestibilité et de l’absorption des aliments consommés.

Or, les protéines animales sont globalement plus riches en acides aminés dits essentiels que les protéines végétales que l’on retrouve tout particulièrement dans les légumineuses et leurs dérivés, les graines oléagineuses et les céréales. Par ailleurs, les légumineuses sont pauvres en acides aminés soufrés (méthionine, cystéine) et les céréales pauvres en lysine, deux acides aminés essentiels. Cependant, l’association de légumineuses et de céréales permet de contrer ce déséquilibre. Il est donc important de varier les sources végétales (céréales, légumineuses) afin d’avoir tous les acides aminés indispensables.

 

Vitamine B12 :

Cette vitamine joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du cerveau, du système nerveux et dans la synthèse de l’ADN, or elle est quasi exclusivement apportée par les produits d’origine animale. Carencée en Vit B12, l’alimentation végétalienne doit être supplémentée.

Tableau 1 : Références nutritionnelles actualisées pour la vitamine B12 (µg/j) d’après l’ANSES :

Âges Apport satisfaisant en µg/j
1- 10 ans 1.5
11- 17 ans 2.5

 

Calcium :

Environ 1 à 1,2 kg de calcium sont contenus dans l’organisme. Il sert à 99% à la formation et à la solidité des os et des dents. Un apport suffisant en calcium est indispensable durant la croissance l’enfant et de l’adolescent3.

Quelles sont les sources de calcium ?

Celui-ci est en grande majorité apporté par les produits laitiers mais aussi par certains végétaux (légumes à feuilles, choux, fruits secs).

Les produits laitiers d’une façon générale sont de forts contributeurs de calcium dans la population française. Toutefois, les fromages présentent une grande diversité de teneurs en calcium.

Hormis les produits laitiers, certains légumes-feuilles et choux, les fruits secs et quelques eaux minérales sont également des sources non négligeables de calcium.

En cas de régime végétalien, on peut recommander une eau minéralisée et 3 produits végétaux par jour mais cela ne suffit pas à couvrir les besoins. Une supplémentation en calcium est indispensable chez les enfants et adolescents ayant une alimentation végétalienne compte tenu des besoins importants durant cette période.

 

Tableau 2 : Références nutritionnelles pour la population (RNP) en calcium d’après l’ANSES :

Âges Calcium  en mg/j
1-3 ans 450
4-10 ans 800
11- 17 ans 1.150

Une vigilance particulière doit être apportée sur les boissons végétales qui ne permettent pas de remplacer les apports en calcium du lait maternel ou des préparations pour nourrisson 1er âge.

 

Vitamine D :

Cette vitamine joue un rôle essentiel dans l’absorption du calcium et du phosphore et dans la minéralisation osseuse. Elle intervient également dans la régulation hormonale et l’immunité.

Les apports en vitamine D sont essentiellement assurés par la consommation d’aliments riches en vitamine D comme les poissons gras (saumon, hareng, sardine, maquereau), les produits laitiers enrichis en vitamine D, le jaune d’oeuf,… et par une production de notre organisme sous l’action du soleil.

Le régime végétalien n’assure pas d’apport en vitamine D, le risque de déficit ou de carence est donc accentué. Une supplémentation toute l’année est donc nécessaire.

 

Tableau 3 : Références nutritionnelles actualisées pour la vitamine D (en µg/j) d’après l’ANSES :

Âge Apport satisfaisant Limite supérieure de sécurité
1-10 ans 15 50
11-17 ans 15 100

 

Fer :

Le fer intervient notamment dans la fabrication de l’hémoglobine (qui permet de transporter l’oxygène dans les globules rouges) et de la myoglobine (qui stocke l’oxygène dans les muscles). Les enfants et les adolescents ont des besoins en fer plus importants que ceux des adultes, de ce fait ils représentent une population à risque2,4.

Par ailleurs, la biodisponibilité du fer dans les végétaux est inférieure à celle du fer issu des produits carnés. Il est donc recommandé de doser la ferritinémie régulièrement chez les enfants et adolescents ayant une alimentation végétalienne.

Tableau 4 : Références nutritionnelles actualisées pour le Fer (en mg/j) d’après l’ANSES :

Âge Fer en mg/j
1-2 ans 5
3-6 ans 4
7-11 ans 6
12-17 ans 11 (jusqu’à 13 pour les adolescentes dont les pertes menstruelles sont élevées)

Zinc :

Les principales sources alimentaires de zinc sont d’origine animale. Cet oligoélément est impliqué dans de très nombreuses fonctions de l’organisme, sa carence entraine un retard de croissance, une susceptibilité aux infections et une altération du goût. La consommation d’aliments riches en zinc tels que choux, navet, moutarde, radis, colza, cresson, doit être conseillée. Le taux de zinc devra être régulièrement dosé.1

 

Tableau 5 : Références nutritionnelles actualisées pour le Zinc (en mg/j) d’après l’ANSES :

Âge Zinc en mg/j
1-3 ans 4,3
4-6 ans 5,5
7-10 ans 7,4
11-14 ans 10,7
Adolescent 15-17 ans 14,2
Adolescente 15-17 ans 11,9

 

Iode :

Indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes, l’iode joue également un rôle important dans de nombreuses fonctions de l’organisme (croissance et maturation des cellules, régulation glucidique et lipidique, synthèse des protéines, …)

Les aliments les plus riches en iode sont les produits de la mer et les produits laitiers. Le régime végétalien pourrait augmenter le risque de carence en iode mais l’utilisation possible de sel iodé dès la diversification permet de pallier à ce risque.

 

Tableau 6 : Références nutritionnelles actualisées pour en Iode (en µg/j) d’après l’ANSES :

Âge Apport satisfaisant Limite supérieure de sécurité
1-3 ans 90 200
4-6 ans 90 250
7-10 ans 90 300
11-14 ans 120 450
15-17 ans 130 500

 

Acides gras oméga-3 :

Les acides gras oméga-3 (acide eicosapentanoïque ou EPA et acide docosahexanoïque ou DHA) sont indispensables au développement et au fonctionnement des membranes, de la rétine, du cerveau, du système nerveux, d’où leur importance chez l’enfant et l’adolescent.

Certains aliments sont riches en oméga-3, notamment les poissons gras comme le saumon, le thon, la sardine, …, mais également l’huile de colza, l’huile de soja, les noix, graines de lin,…

Une supplémentation en acides gras oméga 3 pourra parfois être nécessaire chez les enfants et adolescents végétaliens.

 

L’alimentation végétalienne n’assure pas tous les besoins nutritionnels de l’enfant et de l’adolescent et peut donc entrainer des carences. Il convient d’en informer les parents. Cependant si tel est leur choix, il est capital que l’enfant et l’adolescent bénéficient d’un suivi médical et diététique avec surveillance entre autres de la croissance staturo-pondérale, du bilan biologique et des symptômes de déficits/carences afin de mettre en place les supplémentations indispensables2.

Il est souhaitable de suivre les adolescents végétariens afin de dépister l’éventuelle survenue de troubles du comportement alimentaire. Il est montré que les mères de sujets anorexiques et végétariens étaient plus préoccupées par leur propre poids et qu’elles contrôlaient davantage la vie de leur enfant que les mères d’enfants anorexiques non végétariens5.

 

Tableau 7 : Synthèse des principaux apports en nutriments et micro-nutriments liés à une alimentation végane1

Supplémentation systématique Dosage sanguin Surveillance régulière Consommation nécessaire
Protéines Varier/associer céréales et légumineuses
Vitamine B12 Systématique      

Calcium

Chez l’enfant

Chez l’adolescent

 

À adapter selon la consommation

Systématique

     
Vitamine D Systématique      
Fer En fonction du dosage sanguin x x  
Zinc  En fonction du dosage sanguin x x  
Iode       Utiliser le sel iodé
DHA et EPA       Consommer des algues

 

Une grosse envie d’en savoir plus ?

Pour cela nous vous invitons à consulter la vidéo du Pr Patrice DARMON sur Végétarien, végétalien, végan … oui, mais pas n’importe comment !

 

Références :

  1. Lemale J et al. Régime végétalien chez l’enfant et l’adolescent. Recommandations du Groupe francophone d’hépatologie, gastroentérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP). Perfectionnement en Pédiatrie. Juin 2020;3(2):119‑28.
  2. ANSES. Publication des nouvelles références nutritionnelles en vitamines et minéraux pour la population française. Mis à jour le 23 avril 2021.
  3. ANSES. Le calcium. Présentation, sources alimentaires et besoins nutritionnels ». Mis à jour le 08/01/2020.
  4. Tounian P et al. Fer et nutrition. Archives de Pédiatrie. mai 2017;24(5):5S23‑31.
  5. De Tournemire R et al. L’adolescent qui mange peu : quand orienter vers le spécialiste ? Perfectionnement en pédiatrie Volume 1, Issue 2, June 2018, Pages 136-142.

 

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